Les mariages entre des personnalités très différentes sont souvent difficiles et ne se passent pas toujours bien, mais d’un autre côté, ils sont aussi capables de susciter de grandes émotions. Dans le domaine de l’automobile, rien n’était plus éloigné en termes de philosophie de produit à la fin des années 1960 que Citroën et Maserati. Pourtant, certains effets de leur brève union ont été surprenants et ont conduit à la naissance d’au moins un modèle absolument unique dans le paysage des grands tours de l’époque, le fascinant et très original coupé Citroën SM.
Citroën SM présidentielle : L’élégance française, le cran italien
Absorbée en 1968 par la marque française, alors en phase d’expansion (acquisition de Panhard et de Berliet, accords avec Fiat), Maserati se lance dans un projet ambitieux et complexe : associer dans une nouvelle voiture la puissance d’un moteur au pedigree de course italien au design futuriste, à la technologie d’avant-garde et aux extraordinaires caractéristiques de confort de la marque transalpine.
La Citroën SM présidentielle est un vaisseau spatial à quatre roues
C’est ainsi que fut présentée au Salon de l’automobile de Genève 1970 une voiture qui suscitait à la fois admiration et perplexité, différente de toute rivale possible à pratiquement tous les égards. La SM (l’abréviation pour certains implique Sport Maserati, pour d’autres « Sa Majesté » dans la tradition de la personnalisation Citroën) ressemblait à un vaisseau spatial de bande dessinée dans son apparence sans aucun doute fascinante, grâce à l’équipe de Robert Opron, et sous le capot elle abritait un V6 de 2,7 litres de conception Orsi-Alfieri avec une disposition classique de haute performance (structure en alliage léger, quatre arbres à cames en tête, trois carburateurs doubles).
Le cadre technique hors du commun est complété par la traction avant et la suspension pneumatique, reprises de la DS, la direction à assistance variable d’une rapidité proche de celle de la F1 (deux tours de volant suffisent pour une direction complète, très douce en manœuvre et très rigide à vitesse élevée), la boîte de vitesses à cinq rapports et les freins à disque commandés par le « bouton » recouvert de caoutchouc au lieu de la pédale normale, un effet de la parenté avec la légendaire berline française. D’autres éléments sophistiqués étaient les phares de virage, la porte vitrée arrière permettant d’accéder au compartiment à bagages (de capacité modeste) et le volant monobloc non conventionnel, qui n’est pas exactement le meilleur pour la conduite sportive. L’habitacle, en configuration 2+2, présente une finition « Citroën flagship », tape-à-l’œil mais avec quelques défauts de qualité des matériaux, un équipement riche et des sièges avant très confortables mais peu d’espace à l’arrière, une condition inversement proportionnelle à la longueur exubérante de la carrosserie de 4,90 mètres et à l’empattement de presque 3.
Un modèle qui répond aux codes de l’Amérique
Un ensemble d’éléments de construction qui rendent le comportement routier pas toujours facile à interpréter (grande prépondérance du poids à l’avant) pour tirer le meilleur parti des 170 chevaux disponibles (qui passent à 180 avec l’utilisation de l’injection électronique) qui permettent à la voiture d’atteindre 220 kilomètres par heure (230 avec la puissance accrue) et l’accélération de 0 à 100 en moins de 9 secondes malgré le poids non négligeable de 1450 kilogrammes. Disponible depuis 1973, la boîte de vitesses automatique, préférée aux Etats-Unis où la voiture est assez populaire, et un moteur de 3 litres avec un retour aux carburateurs.
Un Citroën SM présidentielle, plusieurs Sm
La double personnalité de la SM s’est manifestée par des variations sur le thème au cours de sa vie de production : elle a participé avec succès à d’épuisants rallyes africains, en tant que voiture de représentation du président Georges Pompidou, dans une variante cabriolet « Élysée » de 5,60 mètres de long qui a accueilli, entre autres invités illustres, la reine Elizabeth II d’Angleterre lors d’une visite à Paris, et dans de nombreuses versions personnalisées réalisées par des carrossiers tels que Frua ou Chapron.
Coûteuse (en Italie 5.200.000 lires au lancement, jusqu’à plus de 10 millions) et présentant des problèmes de fiabilité, la Citroën granturismo sera cependant surtout mise à mal par la crise énergétique qui frappe durement le marché dans les années 70, terminant sa carrière en 1975 avec environ 14.000 unités construites, les dernières par Ligier.